Tuesday, September 26, 2006

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Les gérants de cet établissement chic avaient nié, déclarant que Suzanne Furimond n'avait jamais dîné chez eux. Vérité ou mensonge ? A l'époque, monsieur Bonnard n'avait pas poussé plus loin.Mais voilà que le 24 novembre 1948, la presse fait état de l'arrestation de la dame Madame C. et de son ami Robert N., anciens gérants du Prieuré. Ils sont poursuivis pour avoir été en relation avec les bandits Naudy et Danos qui ne sont rien moins que les deux principaux lieutenants de Pierre Loutrec, dit Pierrot le Fou. Les deux gérants sont condamnés pour recel de malfaiteurs, ayant fourni aide et assistance à ces deux tueurs patibuliares qu'ils ont hébergés chez eux à Villeneuve où ils étaient venus se mettre au vert après l'assassinat d'un gendarme.
Mais comme ces crapules ne se sentaient plus en sécurité à Villeneuve, les gérants du Prieuré leur ont même fourni un planque au Lavandou : la villa la Largade, la bien nommée. Pourtant, les gérants avaient toujours nié connaître Naudy et Danos, alors que tout Villeneuve savait que Pierrot le Fou lui-même descendait parfois dans leur établissement. Mais on ne saura jamais quels liens unissaient ces " honorables commerçants " à de telles crapules.L'arrestation et les mensonges des intéressés incitent le journaliste Bonnard à confier ce qu'il savait à la police. Les gérants ont certainement menti en affirmant que Suzanne Furimond n'avait jamais dîné chez eux, ce qui est en effet peu vraisemblable : toute la bonne société d'Avignon et de la région fréquentait peu ou prou le Prieuré. Et les deux inconnus d'un genre particulier en compagnie desquels la victime avait été vue en ce lieu, pouvaient bien être Naudy et Danos, avec qui elle aurait été en affaire.
Il ne sortira rien de ces révélations qui éclairent peut-être d'un jour nouveau la personnalité de Suzanne Furimond, susceptible d'aller traiter " des affaires " à Lyon et d'autres sur la Côte-d'Azur où la bande à Pierrot le Fou sévissait particulièrement ; elle pouvait passer pour une trafiquante d'or d'envergure nationale, qui aurait eu des relations très dangereuses dans le redoutable milieu du grand banditisme. Il se disait même qu'elle savait beaucoup de choses sur certains avignonnais et vauclusiens ayant collaboré avec les Allemands. Et que même, si elle parlait...
Pierrot le Fou, un sinistre tueur, était passé sans état d'âme de la collaboration avec la Gestapo à la Résistance de dernière heure. Le 6 novembre 1946, suite à un casse raté chez un bijoutier de la rue Boissière, à Paris, il se tire une balle dans la vessie en voulant ranger son pistolet. Il en meurt et ses complices l'enterrent clandestinement sur l'île de Limay. Naudy est abattu à Menton par un policier, le 31 octobre 1948. Danos, dit le Mammouth, est fusillé le 14 mars 1952 au fort Montrouge, pour collaboration avec la Gestapo. Il appartenait à la sinistre bande de la Carlingue, qui avait son siège au 93, rue Lauriston, où les collabos torturaient et assassinaient des résistants en toute impunité.Les années commencent à passer. Et les deux mille personnes, plus curieuses que peinées, qui assistèrent aux obsèques de Suzanne Furimond, femme de tête et d'intérêt, froide, méfiante, calculatrice, aimant faire la fête ( ?), peu estimée de ses concitoyens, commencent à oublier les mystères de sa vie et de sa mort.

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