Tuesday, September 26, 2006

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On peut imaginer que les trois convoyeurs du cadavre l'ont placé dans une barque qui a traversé le Rhône jusqu'au pied du Rocher de la Justice, là où il est réputé être le plus profond et où, bien lesté, il a coulé à pic, les pieds devant, sans risque de refaire jamais surface, du moins à ce qu'espéraient les trois complices. Bien sûr, les protagonistes mis en cause par Sabloye seront tous retrouvés et entendus (sauf Jeannot Antonin). Nous avons vu que Sabloye a tout avoué de A à Z. Soit il a une imagination fertile, soit il dit vrai et s'octroie un rôle secondaire de simple chauffeur, pour minimiser sa participation à un assassinat bien réel et sordide. Il a, en tout cas, répété point par point les révélations contenues dans la lettre anonyme qui l'accuse lui et les trois autres et il se confirme qu'il n'y a qu'un seul assassin : Jeannot Antonin, qui n'est peut-être qu'un homme de main.
Et Jeannot Antonin aurait donc étranglé Suzanne Furimond "par accident" lors de la visite qu'il lui fit à son domicile. Selon Sabloye, le crime dont le mobile reste inconnu, se serait produit entre 19 heures 30 et 20 heures, alors que Carto se trouvait encore chez la victime.
Bergea purge une peine de prison de 8 ans à la maison d'arrêt de Nîmes pour diverses malversations et autres délits. Il déclare ne connaître ni Madame Furimond, ni aucun des protagonistes de cette affaire, pas même Sabloye, ce qui est étonnant pour un individu qui fréquente tout ce qu'Avignon compte de voyous de son espèce Il ment sans aucun doute et refuse de signer sa déclaration. Les policiers le connaissent assez pour savoir qu'il ne parlera jamais. Par la suite, Bergea, sorti de prison, deviendra radiesthésiste pour retrouver un hypothétique trésor dont un de ses compagnons de cellule, mort en prison, lui avait révélé l'existence, tout près du pont de chemin de fer franchissant la route de Villeneuve à Sauveterre. (On croirait lire l'histoire du Comte de Monte-Cristo). Bergea sera retrouvé un jour mort chez lui de sa belle mort.
Mais voici l'affaire du trésor : un jour de jun 1944, le compagnon de cellule de Bergea posait des colliers à lapin dans un bois touffu proche du pont de chemin de fer mentionné. Soudain il entend le bruit d'une voiture venant du nord, qui se rapproche et vient s'arrêter au bord de la route, à quelques mètres de lui qui reste bien dissimulé dans l'épaisseur du petit bois. Deux hommes en descendent et entreprennent de sortir du véhicule une grosse et lourde valise en cuir jaune , tout en discutant sans précaution, à haute voix , car l'endroit est vraiment désert. Il s'agit pour eux de cacher provisoirement cette valise en lieu sûr, car de nombreux barrages sont établis sur les routes par les résistants et les gendarmes. Or cette valise compromettante ne doit pas tomber entre des mains étrangères.
Armés d'une courte pelle militaire, les deux hommes s'enfoncent dans les fourrés, soulèvent un monticule de cailloux, creusent un trou, y placent la valise et la recouvrent de cailloux. Puis ils retournent à leur voiture et redémarrent en direction du sud. Le co-détenu de Bergea a tout vu et tout entendu. Il s'approche prudemment de l'endroit où la valise a été cachée, déplace les cailloux et réussit à ouvrir la valise. C'est un véritable trèsor qui s'offre à ses yeux : des liasses de dollars en billets de banques et en rouleaux de pièces d'or, des lingots ; une véritable fortune. L'homme voudrait bien s'en emparer sur le champ, mais il n'a rien pour transporter ce précieux chargement jusqu'à Avignon où il habite. Il remet le tout en place et s'en va, se promettant de revenir le lendemain aux aurores avec son vélo et une cariole, pour emporter le précieux chargement.
Mais le lendemain aux aurores, justement, voilà que la police se présente chez lui et l'embarque. Sa fille a porté plainte contre lui, l'accusant de l'avoir violée à plusieurs reprises. Condamné à quinze ans de réclusion, il purge sa peine à la maison d'arrêts de Nimes et très malade, se voyant proche de sa fin, il a confié son secret à Bergea pour que quelqu'un au moins profite du pactole qui dort sous des cailloux.
Libéré, Bergea se rendra sans tarder à l'endroit où se trouve le magot. Mais en ces lieux, ce ne sont que bois et fourrés touffus. Ne possédant que des indications approximatives, il ne retrouvera pas la valise qui a peut-être été déjà récupérée par ses propriétaires ( sans doute des trafiquants). Mais, ayant réussi à apprendre que deux collabos des Allemands circulant en voiture, avaient été arrêtés par un barrage de gendarmes sur la route d'Alès, le jour où le magot avait été caché, Bergea se persuadera qu'il s'agissait des fuyards et que le pactole est toujours à sa place. Pour le retrouver, il se fera radhiestésiste. En vain. Il mourra pauvre, sans avoir pu mettre la main sur la valise au trésor. Peut-être est-elle toujours là où elle a été dissimulée.
Le grand blond supposé ( que Sabloye n'a pas reconnu sur photo) nie toute participation à cette affaire. Il ne connaît ni madame Furimond, ni non plus aucun des protagonistes cités comme étant ses assassins. C'est un petit escroc sans envergure qui a traîné entre Avignon, Marseille, Nîmes et le Gros-du-Roi et qui maintenant habite Bordeaux. Le prêteur de voiture, un certain Verret, représentant à Nîmes, lui non plus ne connaît personne à part Sabloye. D 'après sa déclaration, on peut supposer que l'assassinat de madame Furimond était prémédité et que Sabloye, qui ment, en savait quelque chose. En effet, Verret déclare que Sabloye lui a emprunté sa voiture à la demande de monsieur Dommes, l'associé de Verret. Or, Dommes interrogé par les enquêteurs déclare qu'il n'a jamais fait cette demande à Saboye. On ne sait pas comment Verret a appris que sa voiture avait été remisée par Sabloye au garage Continental.
En tout cas, le jour de l'assassinat, Sabloye avait besoin d'une voiture qu'il emprunta, sûrement à la demande de Jeannot Antonin, même s'il ignorait à quoi ce véhicule allait servir. Car on peut difficilement croire à une coïncidence : Sabloye rencontrant par hasard Antonin qui avait besoin d'une voiture justement le jour où Sabloye en avait emprunté une. Et si Antonin avait vraiment l'intention de se rendre ce soir-là chez Suzanne Furimond, il pouvait s'y rendre à pied, ce qui eut été plus discret qu'à bord d'une telle automobile considérée alors comme un luxe. Il en circulait très peu et elles se remarquaient facilement.

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